Le jeans au fil du temps

Le jeans change souvent de style, mais reste le vêtement universel et indémodable de nos garde-robes. Pour la marque 1083, j’ai passé en revue les coupes iconiques de la naissance du blue-jeans aux années 2000.

Waist overall, l’ancêtre du jeans

L’étoffe qui sert à la création des jeans, le denim, a fait le tour du monde avant d’être utilisée pour le pantalon à rivets imaginé par Levi Strauss et Jacob Davis aux États-Unis. À l’époque, la marque n’appelle pas encore son pantalon “jeans” mais “waist overalls” (salopette jusqu’à la taille). Il est porté par les mineurs, fermiers et ouvriers. Son légendaire 501 à coupe droite voit le jour en 1890.

Il s’agit d’un denim selvedge indigo, léger et résistant. Il comprenait une petite poche à montre à l’avant et une seule poche arrière avec la couture en forme d’ailes de mouette appelée “arcuate”. Pas de passants, mais des boutons auxquels on y accrochait des bretelles. Les rivets étaient en cuivre, dont un situé à l’entrejambe, et une bande de tissu appelée martingale permettait le serrage au dos. Le 501 va incarner l’indémodable jeans coupe droite.

La première fermeture zippée

Autre grande marque américaine qui a fait du jeans sa spécialité : Lee Company, à ne pas confondre avec la britannique Lee Cooper. En 1924, la marque lance le “cowboy pants” (pantalon de cowboy) à la coupe ample parfaite pour le rodéo, qu’elle nomme le 101. En 1926, le 101 devient le 101Z, le premier modèle à fermeture zippée. Une révolution alors que tous les “overalls” ont encore des braguettes avec boutons. Le denim est un selvedge assez épais (13 oz) avec une méthode de tissage qui apporte une certaine douceur au tissu.

Autre spécificité du denim de Lee Company : il est traité contre le rétrécissement grâce au procédé de sanforisation que la marque invente dans les années 1930. Le 101Z est porté par James Dean dans le film La fureur de vivre. C’est l’allié parfait des boots américaines.

Le premier jeans femme

Après avoir inventé une tunique pour femmes (les freedom-alls) en 1918, Levi’s crée ce qui est considéré aujourd’hui comme le premier jeans femme en 1934 : le 701. Il s’adresse à celles qui avaient pour habitude de porter des 501 pour homme. Le denim est plus doux et prélavé, la coupe plus féminine et plus cintrée, la taille plutôt haute. Il comprend cinq poches, conserve la martingale et la braguette à bouton. Le 701 débarque dans une époque où des stars comme Marlène Dietrich ou Greta Gardo popularisent le pantalon taille haute et la coupe large au style androgyne.

Le premier jeans français

L’histoire du jeans français est récente puisque les premiers jeans sont arrivés en Europe avec les G.I.s américains lors de la Seconde guerre mondiale. Avant cette date, le jeans n’existait pas dans l’Hexagone mais l’industrie textile prospérait un peu partout en France, principalement pour l’habillement et le linge de maison. La première marque à fabriquer des jeans en France est Rica Lewis à partir de 1947 à Marseille. À la fin de la guerre, Olga, la fille des fondateurs Charles et Rica Levy, part aux États-Unis avec un G.I.s. C’est elle qui persuade sa famille de miser sur le jeans.

Après avoir rapatrié des machines à coudre américaines Singer, la production des premiers jeans français démarre en 1947 dans leur atelier rue Fort du Sanctuaire, au pied de Notre-Dame de la Garde à Marseille. À cette période, les importations, dont le denim provenant des États-Unis, sont limitées. Pour cette raison, un premier essai de jeans bleu marine est réalisé en coutil, une armure croisée très serrée. En 1953, Rica Lewis met au point un faux denim se rapprochant du vrai jeans. Il faut attendre 1959, et la fin des restrictions sur les importations, pour que la marque utilise le denim des jeans américains.

Le jeans slim

En 1963, une marque basée à Liverpool, Lybro Limited, propose aux Beatles de poser avec ses jeans. “À vous la collection de jeans slim” suggère Ringo Starr. Une trace parmi d’autres qui explique pourquoi le jeans slim est associé au rock britannique des années 1970. Les Rolling Stones participeront à leur tour à sa renommée. Le skinny, une version encore plus resserrée, fait son apparition dans les années 1970. L’un des premiers modèles est mis au point par le styliste italien Elio Fiorucci. Il trouve son inspiration à Ibiza en voyant des femmes se baigner avec leur jeans. Il réplique le look avec le modèle “skintight Buffalo 70”.

Le slim que l’on appelle parfois “cigarette” connaît un retour en grâce dans les années 2000. Hedi Slimane, alors directeur artistique chez Dior Homme, et passionné de rock, ouvre la voie avec trois jeans slim nommés 21, 19 et 17 cm. Leur coupe très étroite fait figure d’ovni dans les défilés. La marque française April 77, fondée en 2002, s’empare de la tendance. Deux ans plus tard, la marque suédoise Cheap Monday vend des modèles slim et skinny et oblige les grandes enseignes à lui emboiter le pas.

Le jeans pattes d’eph’

Le jeans pattes d’eph, c’est un symbole du mouvement hippie des années 1970 et de la génération disco. Proche du corps jusqu’aux genoux et très évasé à partir des chevilles, le jeans pattes d’éléphants se confond aujourd’hui avec le jeans flare, une coupe évasée dès l’entrejambe ou à mi-cuisse, et le bootcut élargi au niveau des genoux. Avant de se retrouver dans nos garde-robes, le pantalon pattes d’eph était porté par l’US Navy dès le 19e siècle. Sa coupe évasée permettait aux militaires de les retrousser facilement au-dessus des genoux en cas de submersion du pont des bateaux. Il habillait également les compagnons à travers l’Europe. Un autre exemple de l’influence du pantalon de travail sur la mode des jeans.

Le jeans délavé

Avec sa teinture à l’indigo, le jeans se patine naturellement, mais ce sont les Français Marithé et François Girbaud qui, les premiers, délavent des jeans avant de les vendre. Ils mettent au point le procédé de délavage à la pierre ponce (stonewash) dans les années 1960 dans une laverie de Saint-Germain-des-Prés sur des jeans de la marque américaine Wrangler. Une fois délavés, les jeans sont remis en vente en magasin. Le procédé sera industrialisé par toutes les grandes marques pour confier un aspect unique et patiné au jeans.

Illustration en France avec la marque toulousaine Liberto qui fait ses premiers essais de délavage à la pierre ponce dans une blanchisserie d’Albi en 1981. Le jeans délavé est décoloré, troué, abîmé. L’opposé du jeans brut ! 20 ans plus tard, Marithé et François Girbaud inventent le délavage au laser (wattwash) avec l’entreprise espagnole Jeanologia. Ces jeans neufs déjà délavés et usés peuvent paraître un non-sens, mais grâce à leur patine, ils sont portés plus longtemps, parfois à l’extrême, pour mettre en valeur l’effet délavé.

Le baggy, jeans extra-large

Les années 1990 ont marqué l’histoire du jeans avec la popularisation du baggy. Un jeans à la coupe très large et à la taille très basse. Son invention serait l’œuvre du duo Marithé et François Girbaud, encore eux, à la fin des années 1970. Adopté aux États-Unis, sa popularité viendrait des prisons américaines. Quand les nouveaux détenus arrivaient, ils devaient laisser leurs vêtements à l’entrée, dont leur ceinture, et portaient leur pantalon très bas vers les genoux. Ce code vestimentaire, le “sagging”, a été très largement repris dans le rap avant de se généraliser. On retrouve des jeans baggy imaginés par Marithé et François Girbaud dans le clip Jump du groupe Kriss Kross en 1992.

Le jeans “mom”

La taille haute a côtoyé de nombreuses coupes, du pattes d’eph au slim, avant de devenir l’estampille du jeans “mom”. C’est le jeans star des séries télé des années 90. Mais d’où vient ce nom ? Le nom “mom” a été popularisé dans une fausse publicité de l’émission américaine Saturday Night Live aux débuts des années 2000. Un sketch qui moquait le jeans taille haute pour en faire le cadeau idéal pour la fête des mères… Les temps ont depuis bien changé et aujourd’hui ce jeans est un indémodable.

Chez 1083, nous l’avons francisé en “Mam”. Plus loin de nous, Marylin Monroe portait déjà des jeans de l’enseigne américaine J.C Penney qui ressemblent au “mom” actuel dans le film Rivière sans retour en 1954. Aujourd’hui, le “mam” est une coupe femme par excellence, parfaite pour s’habiller décontracté et tendance.

2013 : Le jeans 1083

À l’époque où le made in France était démodé, où le réchauffement climatique était contesté, et où les savoir-faire s’oubliaient, nous avons lancé nos premiers jeans droits 101 pour homme et 201 pour femme. Proposés en financement participatif en 2013, ces modèles ont évolué avec les années sans changer les fondamentaux : une jolie coupe droite, confortable et adaptée à toutes les morphologies. À l’époque, ce sont surtout les premiers jeans issus de la filière française depuis la fin des années 1990. Pour ces jeans, le tissage + la teinture + l’ennoblissement + la confection sont réalisés en France. Nous espérions 100 précommandes sur Ulule, vous en avez acheté 1 000. C’est le point de départ du jeans made in France nouvelle génération.

"La mode se démode, le style jamais". Le jeans illustre bien cette phrase de la créatrice Coco Chanel. Il a traversé les époques pour devenir au fil temps un universel porté par toutes les générations à travers le monde. Les coupes d’hier sont encore portées aujourd’hui et le jeans a encore une longue vie devant lui.

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